Heureuse qui comme Manue...
... a fait un long voyage ! 1.300 km en trois jours. J'ai perdu l'habitude. Mais de regrets point ne ressens. L'objet de mon périple dans la Drôme : la rencontre avec Monsieur Philippe Karl, écuyer de son état, dont les livres tiennent bonne place sur ma table du soir.
Je ne suis pas uniquement venue regarder l'homme qui sourit à l'oreille des chevaux. L'idée principale de mon déplacement étant de devenir sa stagiaire l'année prochaine, durant un an. Mais comment cette étoile du dressage va-t-elle me recevoir ? Philippe Karl est-il chaleureux, froid, très occupé ? La timide maladive que je suis enfile ses petits chaussons !
" Bonjour ! Madame Ballue je suppose ! " Devant moi, un grand monsieur souriant. Chapeau et veste assortis, pantalon de cuir nuit, grand manteau. Il nous explique à Jean-Marc (mon mari) et à moi qu'il va travailler ses chevaux puis nous pourrons parler ensemble. " Soit entre deux chevaux, soit après mon cours. " Nous nous installons sur les bancs du manège ouvert qui donne sur la montagne. L'accueil chaleureux nous fait oublier un peu l'eau qui crépite sur le toit de l'édifice et nous trempe, peu à peu, vent mauvais aidant. Une des stagiaires suisse nous prête trois couvertures style armée pour que nous n'ayons pas froid.
Philippe Karl ôte sa grande pelisse, enclenche des éperons à ses chaussures et disparaît momentanément. quand il revient, le manège est baigné dans une douce musique. Concertos pour piano et orchestre... je crois que c'est du Mozart. Aujourd'hui, le silence qui suit la le concerto sera aussi de Philippe Karl et de son épouse ! Je dévore les cavaliers des yeux. Madame Bea Borelle, épouse de Philippe Karl, monte un explosif petit étalon hispanique. Philippe Karl s'occupe d'un grand Oldenburger " plein de force et pas du tout coopérant ", viendra-t-il nous dire ensuite... Pas coopérant, mais actif tout de même. Sous la selle du cavalier, le gros cheval que je viens de voir longé se transforme en " grand " cheval, qui se tient. Pas espagnol, appuyers aux trois allures, épaules en dedans et début de piaffer si je me souviens bien, jamais je n'ai vu cheval baver autant ! Passez-moi une échelle, je dois redescendre de ce nuage !
Changement de cheval. Une grande gigue alezane se fait longer par une stagiaire avant d'être monté (tous les chevaux sont longés, et un tabouret sert de montoir). Philippe Karl et Bea Borelle viennent nous voir. Tout de suite, madame Borelle demande à Jean-Marc " vous aussi vous avez une passion ? " Aïkido et vol à voile, c'est cela qu'il aime Jean-Marc. " C'est important d'avoir une passion quand votre femme est amoureuse des chevaux ! ", dit-elle avec un grand sourire... Je crois que nous nous comprenons ! Les veinards, ils ont la même ! Et, alors qu'elle s'éloigne pour aller chercher une autre monture, Philippe Karl nous glisse : " en fait, les gens sans passion me font peur... " J'ai frappé à la bonne porte, c'est sûr. Puis, nous montrant l'alezan qui ne provoque pour l'instant pas une impression particulière chez moi : " Lui, c'est un cheval que j'ai récupéré il y a un an. " Et de nous conter brièvement l'histoire de ce pur-sang américain qui a couru en course, battu par son propriétaire. " Il était couvert de coups, peureux, gris ! Ce cheval, il n'a pas autant de force que le Oldenburger d'avant, mais il donne beaucoup. J'aime mieux ! " Nous le constaterons lorsque le grand homme montera. La monture devient d'un coup d'un seul... belle ! Et le cavalier est plus démonstratif dans ses récompenses. En un an, le cheval rétif peut appuyer aux trois allures et montre une bien belle sérénité. La douceur, la patience, il n'y a que ça de vrai !
Un an de travail...